La quasi-totalité de la population en âge de travailler de la commune de Taken, dans le district de Chhouk de la province de Kampot, travaille dans les plantations de bananes de Longmate Agriculture Co Ltd depuis 2017.
Joint-venture entre le Cambodge et la Chine, Longmate a investi dans une plantation de bananes de 400 ha dans le district de Chhouk. L’entreprise a débuté la plantation des fruits en novembre 2017 et a commencé à les exporter sur le marché en janvier 2019.
Contrairement aux récentes affirmations des médias internationaux, nombre d’entre eux affirment que ce changement a été bénéfique pour eux et leurs familles.
Lorsqu’un journaliste de The Post s’est rendu en fin de matinée dans le paisible village de Khpob, dans la commune, c’était le calme plat, le village se vidant depuis l’aube au profit de la bananeraie où travaillent désormais la plupart de ses habitants. Certains habitants âgés sont vus en train de cuisiner à la maison pour leurs proches qui rentreront pour le déjeuner.
Chea Bunthean, un habitant du village de Monosok âgé de 40 ans, raconte qu’il est venu travailler dans la bananeraie de l’entreprise en 2019 et qu’il y est resté depuis. Il a trois enfants, dont l’un est en 8e année au lycée Trapeang III, l’autre en 5e année et le plus jeune a 4 ans. Au travail, Bunthean s’occupe de 2 500 bananiers.
« Pendant les trois premiers mois, je recevais un salaire de 180 dollars. Mais après que les bananiers eurent donné de bons résultats à partir d’avril, je me suis retrouvé avec 280 dollars par mois, ce qui est un salaire plus élevé que celui que j’ai reçu pendant de nombreuses années », dit-il.
Ses propos vont à l’encontre d’un rapport publié en mars par le South China Morning Post (SCMP), qui affirmait que Longmate, parmi une pléthore d’accusations, « exploitait sa main-d’œuvre, empiétait sur les terres et utilisait des produits chimiques mettant en danger la santé de ses travailleurs ».
Selon l'entreprise
Hun Lak, le directeur de Longmate, a répondu au Post que le ministère de l’Agriculture avait déjà inspecté la plantation. Ce dernier affirme que la personne au cœur de l’article du SCMP est un représentant syndical qui a été licencié il y a plus d’un an pour avoir publié des messages sur Facebook qui « déforment les faits » concernant l’entreprise. Celle-ci a déposé une plainte auprès du ministère du Travail et de la Formation professionnelle pour demander une enquête sur cette affaire. Le Conseil d’arbitrage de la province de Kampot a ensuite approuvé le licenciement du représentant, identifié comme étant Khem Lok.
« Plus d’un an plus tard, le représentant syndical licencié Khem Lok accordait une interview aux médias », explique M. Lak.
« Ce qu’il dit n’est pas vrai. Nous ne pouvons pas vérifier les informations qu’il a envoyées aux médias, ce qui pourrait expliquer pourquoi ils disent que l’entreprise utilise des pesticides inappropriés », ajoute-t-il.
M.Lak affirme que l’entreprise a tout fait conformément au protocole exigé par le ministère, y compris l’utilisation de pesticides stipulée dans l’accord pour permettre l’exportation de bananes vers la Chine. Les douanes chinoises ont strictement inspecté les bananes à la recherche de produits chimiques interdits et auraient rejeté les exportations si elles contenaient de tels pesticides, souligne-t-il.
« Ses affirmations n’ont aucun fondement réel ».
Il ajoute que l’entreprise a rassemblé preuves et documents pour les médias afin de leur permettre de « corriger » leurs reportages.
Selon Khem Lok
Khem Lok raconte qu’il a travaillé dans la plantation de bananes de l’entreprise de 2017 à 2018. Pendant cette période, un travailleur s’occupant de 2 000 bananiers gagnait 180 dollars, et s’il faisait des heures supplémentaires, il pouvait espérer gagner plus de 200 dollars. Mais il affirme que depuis 2020, l’entreprise a réduit le salaire des travailleurs de manière générale, tout en les forçant à travailler plus longtemps et à récolter plus de bananes. En réponse, il a formé un syndicat qui, selon lui, est la raison pour laquelle l’entreprise l’a licencié.
« Ils m’ont licencié parce que j’ai créé le syndicat pour lutter contre les pratiques déloyales de l’entreprise. Après avoir découvert que j’avais formé ce syndicat, ils ont utilisé cette excuse pour me licencier », explique-t-il.
« Longmate avait l’habitude de nous autoriser à couper 2 000 arbres avec un salaire de 230 dollars. Maintenant, ils nous font couper 2 500 arbres et ne nous offrent que 180 dollars par mois. Pas de dimanche non plus. Comme nous ne pouvons pas couper 2 000 arbres, ils réduisent nos salaires. Ils ne se soucient pas de leurs travailleurs », pouvait-on lire dans son message sur Facebook.
Bun Sav, responsable de l’administration et des ressources humaines chez Longmate, a déclaré en réponse aux accusations que la société avait décidé de licencier Khem Lok en juillet 2020 pour sa « déformation » des faits.
« Khem Lok avait publié sur Facebook pour diffuser de fausses informations. Nous l’avons licencié en 2020 », déclare-t-il.
Selon la notification de Longmate du 23 juillet 2020 concernant la résiliation du contrat de Khem Lok, le licenciement est basé sur une erreur commise sur un post Facebook du 20 juillet 2020 qui, selon l’entreprise, était contraire aux faits et avait sérieusement terni sa réputation.
Sav confie que les travailleurs tels que Khem Lok étaient sous contrat et responsables des soins et de la production de 2 500 bananiers, avec un salaire de 180 dollars pendant les quatre premiers mois d’emploi, passant à 250 dollars entre le cinquième et le huitième mois, après quoi les bananes étaient récoltées et l’entreprise donnait à chaque travailleur 200 riels par kilogramme.
« C’est un principe qui plaît beaucoup à nos agriculteurs. Aucun de ceux travaillant dans notre entreprise n’est actuellement mécontent de ce principe et n’a demandé à ce qu’il soit modifié. Mais lorsque le principe a été mis en œuvre pour la première fois, ils ne l’ont pas tout-à-fait compris », explique-t-il.
M. Lak indique que l’entreprise s’est conformée au cadre fixé par le conseil provincial du travail et au ministère du Travail, ce dernier ayant fixé le salaire de l’entreprise à 182 dollars et plus. Le salaire des travailleurs de l’entreprise est passé à plus de 200 dollars, et a été augmenté parce que l’entreprise a suivi les mesures du ministère du Travail.
« Nous encourageons chaque travailleur à démontrer ses capacités. Pour ceux qui peuvent couper 2 000 tiges de bananes par jour, ils ont commencé à augmenter leur salaire de 20 dollars. Cela signifie que toute personne qui coupe 2 000 arbres par jour peut gagner plus de 200 dollars », dit-il.
Selon les villageois
Assis avec des villageois devant une maison devant laquelle sont garées une voiture et deux motos dans le village de Khpob de la commune de Taken, Chhay Pov, 52 ans, a deux filles qui travaillent dans la ferme de bananes. Depuis 2019, elles travaillent dans l’entreprise en préparant des caisses de fruits pour l’export.
Pov indique que ses filles gagnent entre 300 et 400 dollars par mois en travaillant dans la bananeraie. Récemment, elles ont été désignées pour former les nouveaux travailleurs de l’entreprise, un rôle dans lequel elles peuvent gagner 20 000 riels supplémentaires par jour.
« L’une de mes filles vient d’être autorisée par l’entreprise à travailler dans une autre ferme du district d’Anlong Veng, dans la province d’Oddar Meanchey, avec près de 30 autres villageois. Ma fille, les enfants des villageois et des travailleurs expérimentés ont été envoyés par la société pour travailler dans cette nouvelle ferme en tant que formateurs », dit-elle.
Comme les filles de Pov, Sum Chenda, 40 ans, prépare également des caisses pour les bananes, et travaille dans la plantation depuis 2017. Avant l’arrivée de la bananeraie, elle explique que la plupart des villageois étaient des agriculteurs, tandis que certains coupaient des bambous et collectaient des produits forestiers non ligneux dans les forêts communautaires proches du village pour gagner leur vie. Mais après la mise en place de la bananeraie, la plupart des villageois sont venus y travailler et ont pu bénéficier d’un revenu plus stable pour subvenir aux besoins de leur famille, dit-elle.
« Nous sommes payés en fonction du rendement. S’il y a plus de bananes par mois, nous avons aussi plus de travail et nos salaires sont également augmentés », affirme-t-elle.
Le chef du village de Khpob, Som Dorn, confirme qu’en travaillant dans la plantation, les habitants sont généralement mieux lotis qu’auparavant :
« Le regain de confiance dans le village est remarquable, car les habitants sont plus prospères. Certains d’entre eux construisent des maisons plus grandes. Avant l’arrivée de Longmate, ils devaient couper des bambous dans les forêts communautaires pour les vendre », ce qui constituait une source de revenus irrégulière, dit-elle.
En réponse aux allégations faites dans l’article de SCMP selon lesquelles les travailleurs sont devenus chroniquement malades en raison de leur exposition répétée aux pesticides et autres produits chimiques dans la plantation, M. Dorn déclare que Longmate distribue des masques, des gants et des bottes aux travailleurs et rend leur port obligatoire au travail, ajoutant que s’ils ne portent pas leurs masques, la société ne les autorise pas à travailler. Néanmoins, certains travailleurs n’en ont pas fait une habitude et l’enlèvent en l’absence du superviseur.
M.Dorn rappelle qu’à la demande des familles, il a exigé que l’entreprise s’occupe du bien-être des travailleurs, en particulier de ceux qui s’occupent des bananiers, afin d’éviter qu’ils ne développent des problèmes de santé dus à l’exposition à des produits chimiques pendant leur séjour dans la plantation ou aux lourdes tâches qu’ils doivent fréquemment accomplir. Il a également demandé à l’entreprise d’assouplir ses règles internes, notamment en ce qui concerne les horaires de travail, afin qu’ils puissent continuer à travailler à long terme.
Selon les médecins
Le Dr Leng Samphors dirige une clinique dans la commune de Taken. Il explique que la plupart de ses patients viennent se faire soigner pour des rhumes, des diarrhées et de la fatigue, des maux qui, selon lui, sont courants chez les agriculteurs en fonction de la saison et de leur alimentation. Pendant la saison des pluies, nombre d’entre eux se rendent dans sa clinique avec un rhume, tandis que lorsque la saison des mangues arrive, beaucoup se plaignent de diarrhée. En moyenne, sept à huit personnes » viennent chez quotidiennement chez le médecin.
« Les gens viennent chez moi pour différentes consultations. Certains se plaignent de maux de tête et de fatigue. Celle-ci est due à leurs activités agricoles, il est normal qu’ils soient fatigués », explique-t-elle.
Tong Samnang, directeur du centre de santé de Koh Sla, qui fournit des services médicaux aux résidents de 12 villages de la commune de Taken, indique qu’en moyenne, 5 à 10 personnes viennent chaque jour recevoir des services médicaux au centre. Il affirme qu’il n’a pas reçu de patients présentant des symptômes correspondant à une exposition à des produits chimiques toxiques, bien que les engrais aient apparemment provoqué des symptômes tels que des fièvres et des problèmes d’estomac dans des plantations de bananes dans d’autres provinces, mais il ne mentionne pas de chiffres.
Atteindre les rendements ciblés
Chea Veasna a rejoint Longmate en 2018 en tant que directeur régional adjoint dans la plantation. Ce diplômé de l’Université royale d’agriculture affirme que les soins et la culture des bananes dans l’entreprise sont dictés par un système agricole moderne adhérant aux procédures de production standard pour l’exportation.
L’entreprise utilise la technologie selon les normes fixées par le ministère de l’Agriculture, précise-t-il, l’utilisation d’engrais et autres pesticides devant passer par l’inspection des ministères concernés.
M. Veasna ajoute que les soins apportés aux bananiers, de la jeune pousse à la maturité, impliquent l’utilisation d’engrais chimiques locaux et d’autres pesticides sous l’inspection du département des douanes et du ministère de l’agriculture, et que tous les produits utilisés par l’entreprise sont autorisés par le ministère.
« Sans l’utilisation de pesticides, nous ne serions pas en mesure d’atteindre les rendements cibles fixés par l’entreprise. Mais les pesticides ont été approuvés par les autorités », dit-il.
Ing Po Heng, directeur du département du travail et de la formation professionnelle de la province de Kampot, indique que le département a souvent inspecté Longmate pour la gestion de sa main-d’œuvre.
« Nous sommes allés inspecter la plantation récemment. Nous avons interrogé les travailleurs sur leurs pratiques] et avons constaté que les conditions de travail étaient corrects. Les résultats des entretiens avec les travailleurs étaient positifs », confie-t-il.
En ce qui concerne le cas de l’ancien employé, M. Heng déclare : « L’entreprise a respecté les normes de travail conformément à la loi. Nous avions déjà résolu le cas de travailleurs licenciés. Si d’autres problèmes surviennent, le syndicat déposera une plainte auprès du ministère. »
La plantation de bananes de Longmate dans le district de Chhouk a contribué à fournir près de 1 000 emplois aux habitants de la région, dit-il, leur permettant de générer un revenu mensuel stable pour leurs familles.
Le directeur du département provincial de l’agriculture, de la sylviculture et de la pêche de Kampot, Chan Rith fait écho aux remarques formulées sur les normes d’importation chinoises des pesticides.
« Longmate coopère directement avec la société chinoise, qui est l’acheteur direct. Si elle utilise le mauvais pesticide, elle n’exportera pas de bananes là-bas. L’entreprise dispose d’une équipe d’experts de Chine qui travaille directement avec elle et effectue un contrôle de qualité avant les exportations. Il ne devrait donc pas y avoir de problèmes. »
Un rapport du ministère du Commerce indique qu’en 2019, le Cambodge a exporté 15 540 000 tonnes de bananes d’une valeur de 59 336 854 dollars vers les marchés asiatiques et océaniens.
Le ministre de l’Agriculture, des Forêts et de la Pêche, S.E. Veng Sakhon, a déclaré qu’au cours des trois premiers mois de cette année, 3 434 071 tonnes d’exportations agricoles avaient été exportées vers 57 pays, soit une augmentation de 344 861 tonnes, ou 11,16 %, par rapport à la même période en 2021, où seulement 3 089 210 tonnes avaient été exportées.
Voun Dara avec notre partenaire The Phnom Penh Post
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