Le 17 avril, jour de la chute de Phnom Penh, reste un événement majeur dans l’histoire contemporaine du Cambodge. Au-delà du récit des événements et de leur suite tragique, déjà maintes fois évoqués, il est aussi intéressant de savoir ce que disait la presse française de gauche lors de la prise de la capitale…
Dès le jour même de la chute de Phnom Penh, de nombreux articles sont consacrés à l’événement : le gouvernement pro-américain de Long Nol a déposé les armes et les Khmers rouges infligent, de manière indirecte, une défaite aux États-Unis. Les journalistes cherchent alors à retranscrire l’atmosphère nouvelle qui règne dans le pays, puis à partir du 20 avril, ils focalisent sur l’épisode de l’ambassade de France où se sont réfugiés de nombreux ressortissants étrangers et quelques Cambodgiens. Le 17 avril 1975, jour de la « libération ».
Le Monde se montre encore prudent et publie trois articles, déclarant que « le gouvernement Phnom Penhois envisage de déposer les armes ». Ce même jour, Libération ressort six articles et fait sa première de couverture sur : « Le drapeau de la résistance flotte sur Phnom Penh ». En exposant les faits, le journal précise que le « bain de sang » annoncé ne s’est pas produit, « bien au contraire, la protection des civils est apparue comme la préoccupation principale des forces de libération ».
Parallèlement, La Croix déclare que « les dirigeants de Phnom Penh ont proposé un cessez-le-feu ». Au moment où les trois rédactions impriment leurs gros titres, les informations venant de Phnom Penh sont rares et distribuées au compte-goutte et il faut attendre le lendemain pour lire les articles écrits avec des informations complètes sur la journée de la « victoire ».
Le lendemain, Le Monde et La Croix annoncent respectivement à la Une : « Phnom Penh est tombée » et « Phnom Penh aux mains des Khmers rouges, la capitale cambodgienne est tombée jeudi matin », tandis que Libération affiche clairement sa satisfaction en titrant « sept jours de fête pour une libération », même démarche avec les autres journaux de gauche et d’extrême gauche.
Le Monde consacre quatre articles à l’événement et publie un encadré à la Une sur l’« enthousiasme populaire » basé sur le témoignage de Patrice De Beer :
« La ville est libérée. (…) Il n’y a pas eu de résistance républicaine. On entend encore des coups de feu dans le centre de la ville, mais l’enthousiasme populaire est évident. Des groupes se forment autour des maquisards souvent porteurs d’artillerie américaine, jeunes, heureux, surpris par leur succès facile. ».
Tout au long des quatre articles publiés ce vendredi 18 avril par la rédaction de Libération, le bilan de la prise de la capitale par les Khmers rouges apparaît largement positif, bien qu’aucun journaliste de la rédaction ne soit présent à Phnom Penh à ce moment-là… quant à l’humanité rouge, publication maoïste, aucune sophistication dans sa recherche ou sa couverture de l’événement. Il s’agit, selon eux d’une victoire idéologique du peuple en armes (photo ci-dessous).
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