17 avril 1975 : Comment Phnom Penh tombe aux mains des Khmers rouges
- La Rédaction
- il y a 7 jours
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Le 17 avril 1975, Phnom Penh tombe aux mains des Khmers rouges, marquant la fin de la guerre civile cambodgienne et le début de l'un des chapitres les plus sombres de l'histoire.

Les forces communistes victorieuses, dirigées par Pol Pot, entrent dans la ville dans un mélange curieux de soulagement et de terreur naissante. De nombreux habitants accueillent les Khmers rouges avec allégresse, espérant la paix après des années de conflit. Cependant, en quelques heures, la véritable nature de leurs plans radicaux se révélera.
Prise rapide
La rapide prise de Phnom Penh par les Khmers rouges le 17 avril 1975 a été le point culminant des manœuvres militaires et politiques stratégiques menées pendant la guerre civile cambodgienne. Plusieurs facteurs clés ont contribué à leur victoire rapide :
Encerclement et siège
Début avril 1975, Phnom Penh était l'un des derniers bastions de la République khmère. La ville était encerclée par les forces des Khmers rouges, coupant les voies terrestres d'approvisionnement et la rendant entièrement dépendante du ravitaillement aérien par l'aéroport de Pochentong. Cet isolement affaiblira considérablement les défenses et le moral de la ville.
Supériorité militaire
Les Khmers rouges disposaient d'environ 40 000 soldats, contre 20 000 défenseurs pour la République khmère. Leurs forces lancèrent des attaques incessantes sur des positions clés telles que la route 1 et les zones situées au nord et à l'ouest de la ville. Malgré les contre-attaques des forces gouvernementales, y compris les renforts des gardes provinciaux et des unités d'élite telles que la Brigade parachutiste, les défenses s'effondrèrent sous la pression soutenue.
Démoralisation des défenseurs
La chute de sites stratégiques tels que Takhmau et l'aéroport de Pochentong démoralisera encore plus les troupes de la République khmère. Des faux pas, tels que des erreurs d'artillerie qui toucheront les forces amies, ne feront que précipiter le chaos. Les réfugiés qui affluent à Phnom Penh submergent les autorités, créant la confusion et affaiblissant les efforts de résistance.
Effondrement politique
Alors que la défaite militaire devient inévitable, les dirigeants de la République khmère tentent de négocier la paix avec les Khmers rouges par l'intermédiaire de Pékin. Cependant, ces efforts furent rejetés, laissant le gouvernement dans le désarroi. Les principaux dirigeants tentèrent de s'enfuir alors que les défenses de la ville s'effondraient.
Stratégie des Khmers rouges
L'approche des Khmers rouges impliquait non seulement la conquête militaire, mais aussi la guerre psychologique. Ils désarmeront les soldats du gouvernement à leur entrée à Phnom Penh et les exécuteront froidement de façon quasi-immédiate.
La combinaison de l'encerclement militaire, de la désorganisation interne de la République khmère et de la stratégie de guérilla des Khmers rouges leur aura permis de s'emparer de Phnom Penh avec une rapidité remarquable, mettant ainsi fin à la guerre civile et marquant malheureusement le début de leur règne de terreur.
Évacuation de la ville
Les Khmers rouges ont immédiatement commencé à mettre en œuvre leur vision de la transformation du Cambodge en une utopie agraire. À l'aide de haut-parleurs, ils ordonnent l'évacuation des deux millions d'habitants de Phnom Penh. Les familles sont chassées de chez elles sous la menace d'une arme, les hôpitaux sont vidés et même les patients gravement malades sont poussés dans les rues. Le chaos éclate lorsque les gens fuient la ville à pied, emportant le peu d'effets personnels qu'ils pouvaient. Des milliers de personnes périront sur des routes surpeuplées, épuisées, affamés et victimes de violences.

L'ambassade de France, située au cœur de Phnom Penh, était l'un des rares endroits où les étrangers et certains Cambodgiens pouvaient se réfugier. Cependant, la France avait déjà rompu ses relations diplomatiques avec le régime de Lon Nol à la suite de son coup d'État militaire en mars 1970, laissant l'ambassade avec un statut diplomatique limité et un personnel réduit.
Les événements à l'ambassade
Alors que les Khmers rouges se rapprochaient de Phnom Penh, des centaines de personnes, dont des personnalités telles que le prince Sirik Matak et Ung Boun Hor, se réfugièrent dans l'enceinte de l'ambassade. L'atmosphère était tendue malgré les célébrations de « victoire » résonnant encore dans l'air. L'ambassade est devenue un refuge pour environ 600 étrangers et 1 000 Cambodgiens.
Le 18 avril, un officier khmer rouge se présente à la porte de l'ambassade et exige la reddition de certains dignitaires. Cet événement marque un tournant, car ceux qui sont considérés comme des « traîtres » par les Khmers rouges sont finalement forcés de quitter l'ambassade sous la contrainte.
Témoignages et récits
L'ambassade a fonctionné avec des fournitures limitées et sans aide extérieure, car les avions de ravitaillement n'étaient pas autorisés à voler. Il était donc difficile de soutenir ceux qui cherchaient refuge pendant une période prolongée.
Le personnel de l'ambassade, dirigé par le vice-consul Jean Dyrac, tentera de négocier avec les autorités khmères rouges pour assurer la sécurité des ressortissants étrangers. Cependant, ils subiront d'immenses pressions pour qu'ils remettent les réfugiés cambodgiens.
Les étrangers ont finalement été évacués le 30 avril 1975, sous la supervision des Khmers rouges, et transportés à la frontière thaïlandaise. Les réfugiés cambodgiens ont été évacués plus tôt en deux vagues : certains ont fui secrètement le 18 avril, tandis que d'autres ont été remis aux Khmers rouges le 21 avril.
François Ponchaud, prêtre catholique français, a témoigné des événements survenus à l'ambassade lors de la prise de pouvoir des Khmers rouges. Il notera que les Khmers rouges étaient étonnamment courtois envers les étrangers, mais qu'ils se concentraient plutôt sur les ressortissants cambodgiens. M. Ponchaud mentionnera également que des mariages étaient arrangés à l'ambassade pour faciliter le départ de certaines femmes.
L'ethnologue François Bizot, qui a servi d'interprète entre le consul de France et les Khmers rouges, a décrit le départ des dignitaires cambodgiens comme une reddition volontaire dans son livre Le Portail. Cependant, d'autres témoins ont contesté ce récit, suggérant que certaines personnes seront expulsées de force de l'ambassade.
Conséquences
La chute de Phnom Penh et l'évacuation de la ville qui s'ensuivit entraînèrent un déplacement massif de sa population. Les Khmers rouges ordonnèrent à tous les étrangers de quitter la ville, et beaucoup d'entre eux entreprirent un périlleux voyage jusqu'à la frontière.
Dans les années qui ont suivi, les événements entourant l'ambassade de France le 17 avril 1975 sont restés entourés de controverse, avec des débats en cours sur la nature des départs et le rôle des autorités françaises dans la crise. Malgré ces incertitudes, l'histoire de l'ambassade rappelle de manière poignante le chaos et les bouleversements qui ont marqué la fin de la République khmère.

Pendant ce temps, des fonctionnaires et des militaires capturés étaient brutalement exécutés au stade olympique de Phnom Penh. Les Khmers rouges déclarent alors 1975 « année zéro », marquant ainsi leur intention d'effacer l'histoire du Cambodge et de reconstruire la société à partir de zéro. Ce fut le début d'un génocide qui coûtera la vie à plus de deux millions de Cambodgiens, victimes du travail forcé, de la famine et des massacres.
La chute de Phnom Penh ne fut pas vraiment une victoire militaire, ce fut le début d'un régime qui allait dévaster le Cambodge pendant des années. Les survivants se souviennent de ce jour comme celui où l'espoir s'est transformé en horreur, bouleversant leur vie à jamais.
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