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Économie : Covid-19, quel impact pour les agriculteurs cambodgiens ?

Principal vecteur de développement du Cambodge, l’agriculture fournit un emploi à 3 millions de personnes, soit un tiers de la main-d’œuvre du pays. Selon la Banque mondiale, il s’agit, après le textile, du deuxième secteur le plus important de l’économie cambodgienne, représentant 20 % du produit intérieur brut (PIB) du royaume.

Récolte de riz (EIF)
Récolte de riz (EIF)

Le riz constitue la production agricole dominante, 3,58 millions de tonnes ayant été exportées en 2020. Cependant, le secteur agricole au Cambodge reste faible et fragile en raison du manque de systèmes d’irrigation et de compétences techniques. En guise de comparaison, des pays voisins tels que le Vietnam et la Thaïlande exportent chaque année entre 5 et 6 millions de tonnes de riz.

Étant donné que la plupart des Cambodgiens des zones rurales dépendent de l’agriculture à petite échelle comme principale source de revenus, l’épidémie sans précédent de COVID-19 représente pour eux un défi majeur. Par conséquent, il est important d’examiner les enjeux auxquels les agriculteurs cambodgiens se trouvent confrontés face à cette crise.

Les premières difficultés économiques découlent des restrictions mises en place aux frontières. Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), bien qu’il n’ait constaté au Cambodge qu’un faible impact de l’épidémie sur le plan sanitaire, révèle néanmoins les difficultés économiques auxquelles les agriculteurs sont soumis.

« L’endettement auprès des établissements de microfinance constitue un risque d’autant plus menaçant que le remboursement des prêts s’avère de plus en plus difficile à effectuer, beaucoup d’agriculteurs étant d’ores et déjà en cessation de paiement et en situation de surendettement, risquant ainsi la saisie de leurs biens »

Selon la Banque mondiale, la plupart des agriculteurs cambodgiens possèdent moins de 0,5 hectare de terre, tandis que plus de 10 % d’entre eux ne sont propriétaires d’aucun terrain. La situation géographique et le climat du Cambodge se montrant très favorables au secteur agricole, il serait théoriquement possible de subvenir aux besoins d’une famille, même sur une petite parcelle, en effectuant deux voire trois récoltes annuelles.

Malheureusement, les lacunes en compétences techniques, le manque de systèmes d’irrigation et la dépendance aux pratiques traditionnelles ont empêché les agriculteurs d’atteindre ce but, les plaçant dans l’obligation d’effectuer un métier complémentaire dans les transports, le bâtiment ou la confection.

Mais l’impact du COVID-19, les fermetures de frontières et les restrictions ont affecté de nombreuses entreprises. Certaines d’entre elles ont dû licencier une partie de leurs employés, d’autres ont été contraintes de cesser leurs activités, laissant des milliers de Cambodgiens sans emploi. En 2020, 129 usines ont fermé, entraînant la destruction d’environ 70 000 emplois. Au cours de la même période, 112 entreprises ont été inaugurées, ne créant que 20 000 emplois. Ce déséquilibre pose un problème majeur aux petits agriculteurs, qui avaient jusqu’alors coutume de chercher un travail supplémentaire en plus de leur activité agricole. Selon la Cambodian Microfinance Association, plus de 2 millions de familles ont souscrit des prêts bancaires en 2019.

Au cours de la pandémie, certaines familles se trouvant dans l’obligation de rembourser leurs prêts ont été contraintes de vendre leur bétail ou leurs terres, comme le rapporte Radio Free Asia. Selon une enquête menée en 2020 par Focus on the Global South, 29,2 % des agriculteurs se sont tournés vers les institutions de microfinance et les banques commerciales pour emprunter de l’argent afin de rembourser les dettes déjà contractées.

« Le manque d’accès aux marchés extérieurs et la baisse spectaculaire des cours des productions agricoles représentent aussi des défis majeurs pour les agriculteurs »

Même si les exportations de riz cambodgien ont augmenté de l’ordre de 32 % en 2020, les petits agriculteurs doivent lutter contre la concurrence de l’agriculture intensive qui recourt à de nombreux pesticides, souvent de manière illicite. La viande importée des pays voisins, vendue à bas prix, pose aussi problème. Ainsi, malgré la décision du ministère de l’Agriculture de suspendre temporairement les importations de poisson en provenance du Vietnam, 17 000 tonnes ont été importées illégalement en 2020. Soit un chiffre plus élevé qu’en 2019 et ses 12 000 tonnes.

Cette concurrence entraîne une baisse significative des cours du poisson, non sans conséquences pour les pêcheurs cambodgiens, certains d’entre eux n’étant même pas en mesure de récupérer l’argent qu’ils avaient investi. En outre, les agriculteurs adaptent leurs cultures au gré des circonstances, ce qui contribue à faire chuter les prix. À titre d’exemple, le chou est l’une des productions vers lesquelles la plupart des agriculteurs cambodgiens se sont tournés depuis décembre dernier jusqu’au début de cette année, car il est facile à cultiver et peut être récolté rapidement.

Par conséquent, les cours ont considérablement baissé en raison de l’offre élevée disponible sur le marché. Le prix du chou, qui se négociait autrefois à environ 5 000 riels le kilo (environ 1,25 $), a chuté pour atteindre 1 000 riels (0,25 $). Les agriculteurs membres d’une association, d’une coopérative ou effectuant une culture bio ont pu négocier leurs produits aux alentours de 2 000 riels (environ 0,50 $), une somme toutefois insuffisante pour éviter à certains de faire faillite.

Le gouvernement cambodgien a néanmoins affiché son soutien aux agriculteurs, le Premier ministre Hun Sen ayant exhorté toutes les parties prenantes, en particulier le ministère de l’Agriculture, des Forêts et de la Pêche, à accorder une plus grande attention aux acteurs du secteur agricole. Le but étant de maintenir la productivité et de stimuler l’économie durant cette période de crise. C’est ainsi que les agriculteurs ont été autorisés à suspendre leurs paiements aux micro-institutions. De plus, le gouvernement prévoit d’attribuer des terres aux agriculteurs qui en sont dépourvus. Le ministère du Commerce, le ministère de l’Agriculture et le Programme des Nations Unies pour le Développement se sont unis pour lancer la « New National Cassava Policy 2021–2025 » visant à améliorer la production et l’exportation des cultures commerciales et du manioc.

Les ONG et les agences des Nations Unies jouent également un rôle important dans le soutien aux agriculteurs du pays. Le Voluntary Service Overseas (VSO) a travaillé en collaboration avec le ministère de l’Économie et des Finances, le ministère de l’Agriculture et le ministère du Commerce dans le but de faciliter l’accès aux marchés et d’améliorer la qualité des productions grâce à l’utilisation de nouvelles techniques agricoles. Ces mesures s’ajoutent à celles déjà prises avant la pandémie, le VSO pilotant un projet baptisé IMA4P (Improving Market Access for the Poor), destiné à venir en aide aux agriculteurs les plus pauvres.

Grâce à ce projet, la quantité de riz produite en 2018 avait enregistré une progression de 39 %, tandis que le revenu par hectare avait quant à lui augmenté de 83 %, permettant aussi aux agriculteurs impliqués de réduire leurs coûts de fonctionnement de 30 %. À cela s’ajoute l’initiative d’un groupe de jeunes cambodgiens qui, à travers le projet Covid Farmer Hacker, aident les agriculteurs à trouver de nouveaux clients et à s’intéresser à de nouvelles techniques agricoles via les plateformes des réseaux sociaux.

La pandémie aura affecté aussi bien la production, la chaîne de valeur et la sécurité du secteur, entraînant une baisse conséquente des revenus des agriculteurs. La situation de ces derniers reste délicate, malgré les efforts menés tant par le gouvernement, les ministères compétents et les associations impliquées. D’autres mesures pourraient être trouvées pour leur venir en aide, telles que la baisse des prix de l’eau et de l’électricité, ou encore une révision des dettes en cours auprès des établissements de microfinance.

 

Les auteurs de cet article, Boramey Keng et Sokvy Rim, sont tous deux diplômés en relations internationales du Département des études internationales de l’Université royale de Phnom Penh, au Cambodge.

Avec l'aimable autorisation de Cambodianess. Version anglaise ici...

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